Au moment où nous recevons la grâce d’un nouveau saint, il paraît opportun de se demander en quoi la figure de sainteté de César de Bus peut encore nous parler aujourd’hui dans notre diocèse d’Avignon ?
À bien y regarder, la première grâce est de voir dans la canonisation de César par le pape François une réelle connivence entre les deux, notamment dans l’intuition qu’une société se transforme non à coup de décrétales et sermons, mais par une vie tout entière donnée à cause du Christ. Dans son encyclique « Evangelii gaudium », « la Joie de l’Évangile », le pape nous invite à devenir réellement ceux qui transforment le monde en étant disciples-missionnaires… Pas simplement disciples, pas simplement missionnaires, mais disciples-missionnaires. À mon sens, César est déjà un exemple typique de disciple-missionnaire.
Les premières années de César de Bus par bien des aspects ressemble à celles de l’homme moderne, plus attiré par les plaisirs d’une vie facile ou facilité, que par les exigences d’une vie transcendée par le mystère de la croix. Ses aspirations et sa manière d’être, avant sa conversion, n’étaient pas si éloignées de attitudes que nous connaissons autour de nous aujourd’hui. César était catholique en cette époque où affirmer une identité religieuse, c’était également affirmer une identité politique et où cela apparaissait plus important que de professer sa foi et d’en vivre. Il avait encore à devenir chrétien, du Christ, un disciple de Jésus de Nazareth…. Comme nous !
Sa rencontre personnelle avec Jésus est le fruit de rencontres humaines, ordinaires et vraies, avec des laïcs, Antoinette Réveillade et Louis Guyot puis ensuite avec le p. Péquet, un jésuite, avec qui ces derniers sont en relations. Ces trois forment autour de notre saint comme une couronne de bienveillance capable d’engendrer dans l’amitié fraternelle et la prière ce qui était en attente dans sa vie. Cette expérience fondatrice pour César sera aussi celle qu’il ne cessera de rechercher dans ses efforts de créer une dynamique de fraternelle où clercs et laïcs, hommes et femmes, se retrouvent autour d’un projet commun de mettre l’Évangile en acte, accessible dans une exposition pédagogique, construite et didactique des mystères de la foi, tels que le Concile de Trente, le grand concile du temps de César de Bus, les avait enseignés. Cette démarche, qui ne se fait que dans un climat de confiance et de vérité, c’est encore celle qui nous anime en ce début de XXIe siècle.
À 60 ans du Concile Vatican II, où l’Église dans son aggiornamento, a voulu redonner à la foi sa capacité d’exprimer son Espérance pour les hommes et les femmes de notre époque, nous mesurons combien l’exemple d’un César de Bus, qui se forme et prie dans les premières années de sa conversion, sont des pas nécessaires et décisifs que nous avons à faire à sa manière, pour entrer nous- mêmes dans la réception des enseignements du concile Vatican II, et plus avant, d’entrer dans la mission. Pour nous aussi, retrouver le chemin d’une formation de notre foi, même à l’âge adulte, en approfondissant les intuitions du concile Vatican II, que nous croyons pourtant si bien posséder, est une remise en question personnelle pour affirmer notre réel désir de devenir disciple du Christ : la foi de l’Église, nous la recevons comme un trésor à nous réapproprier à chaque génération, et elle demande d’être partagée dans des expériences fraternelles, pour écouter ensemble ce que l’Esprit veut dire à notre Église diocésaine.
Cette étape préparatrice du disciple fut pour César un temps de purification du vieil homme, afin de rendre audible et visible par ses contemporains, le passage du catholique « social » qu’il était, au chrétien, ardent promoteur d’une vie ecclésiale juste et ouverte à tous. C’est en homme réconcilié, apôtre de la paix qu’il parcourt les chemins de l’amitié d’où naissent parfois les conflits d’intérêts et les chicanes… rien n’est devenu plus étranger à cet homme de Dieu que l’amertume, car il n’a jamais été déçu par le choix qu’il avait fait de servir résolument le Christ dans son Église diocésaine, pécheresse mais sauvée.
César de Bus a été un acteur dans le diocèse de Cavaillon, puis d’Avignon d’un chemin de renouvellement spirituel et pastoral. Sa manière de faire était simple et convaincante parce qu’elle émanait d’un cœur généreux et libre qui avait appris à se défaire du regard des autres, en particulier de son propre milieu social. Sa sainteté n’a été ni plus ni moins qu’humaine et à la portée de tous. Accueillir dans notre diocèse d’Avignon ce compagnon de Jésus-Christ nous interroge sur notre propre conversion missionnaire, dont nous ne serions faire l’économie, pour entrer en Église dans un chemin de transformation pastorale.
Saint César ne s’est pas donné sa mission à lui-même : l’Esprit-Saint passe toujours par les médiations de l’Église pour conforter les appels reçus et leurs faire porter leurs fruits en leur temps. Lui qui était attiré par la solitude est à l’origine d’une famille religieuse, les Pères de la Doctrine chrétienne, heureusement présents encore à Cavaillon, mais également des Filles de la doctrine chrétienne, qui rejoindront ensuite les Ursulines de sainte Angèle Merici.
C’était là des moyens pertinents pour affirmer le charisme de « catéchiste », qui n’appartient pas qu’aux clercs nous dit le pape François, mais doit devenir de plus en plus, dans notre XXIe siècle, un charisme à développer et à institutionnaliser dans nos communautés.
Les évêques de Cavaillon puis d’Avignon ont su discerner dans cet homme affable un pasteur dont le charisme de pédagogue devait faire école : sa petite, moyenne et grande doctrine, ont été les premiers Instituts de Formation diocésains que notre terre de Vaucluse a connus. Saint César était un communicant par l’art, la musique, les écrits… la parole, surtout, juste et profonde, de celle qui a quelque chose à dire, à faire entendre… et il fut entendu, comme nous le rapporte les nombreux témoignages. César fut un disciple à la foi joyeuse et conquérante, constamment habité par la présence des saints, ces amis au Ciel, et c’est pourquoi l’amitié avec lui ici-bas trouvait tout naturellement des motifs de s’élever en grâce de louanges.
Saint César, homme de foi fut à l’écoute des volontés du Seigneur : il nous interroge aujourd’hui sur notre manière de recevoir, mais aussi de proposer la foi dans nos paroisses, nos écoles, nos lieux de vie. Plus encore, à faire de nos vies des « catéchismes vivants » qui « parlent » à nos contemporains d’un Dieu qui se fait proche. Le disciple doit devenir un visage du Christ.
Saint César, homme d’espérance, fut un modèle de prêtre-catéchiste qui nous interroge encore sur la place du prêtre dans nos communautés paroissiales en Vaucluse afin de les animer et de continuer à transmettre la foi ensemble, en suscitant parmi les fidèles les bonnes volontés, pour les encourager, pour les soutenir : la mission du disciple est de former d’autres disciples pour que demeure vive la lumière de l’Évangile dans chacun des terroirs de notre diocèse.
Saint César, le missionnaire de la charité, arpentait les campagnes de Cavaillon et de l’Isle pour aller rencontrer les plus petits et les pauvres, ceux que les institutions ecclésiales ne touchaient jamais : il savait leur parler de Dieu et de son amour en partageant leurs peines et leurs fardeaux. Saint César n’a, somme toute, rien fait que nous ne pouvons encore aujourd’hui réaliser… Et le Seigneur ne lui en demandait pas plus, ainsi qu’à nous : être témoin d’une foi vivante là où nous sommes, là où nous sommes envoyés.
Le disciple est missionnaire, non par nécessité mais par vocation : Jésus continue de nous dire « Allez ! Je vous envoie ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). C’est la mission des baptisés que nous sommes, au cœur de nos villes et villages, chrétiens en Vaucluse qui ne doivent pas rester dans une attente passive ou impatiente, mais comme saint César trouver lentement les chemins à parcourir pour aller rencontrer nos contemporains.
Le disciple-missionnaire César de Bus n’avait pas l’idée d’être un jour vénéré comme un saint. Son empathie, son élégance et sa bonne éducation ont été saisies par le Christ comme pâte humaine pour façonner en lui l’homme nouveau, un être tout en équilibre de vie, qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Cette harmonie, malgré les épreuves personnelles de santé et les difficultés d’une vie spirituelle qui nous rejoignent dans notre propre expérience, est devenue si lumineuse pour ses contemporains, que cette lumière n’a jamais cessée de traverser les siècles jusqu’à aujourd’hui.
Son procès de béatification est parmi les plus longs de l’histoire de l’Église. Sa canonisation, parmi les plus courtes. Le temps de saint César de Bus, ce n’est pas la fin du XVIe siècle mais le début du XXIe siècle. Il est un saint pour notre temps ! Un saint donné aujourd’hui à l’Église universelle, un saint issu de notre Église locale, un saint de notre diocèse. La figure de saint César de Bus nous dit que l’Église continue sa mission en Vaucluse, recevant du passé les germes d’espérance que nous récoltons aujourd’hui, replantant à notre tour pour les générations futures… sans nous décourager !
Saint César, vous qui êtes entré dans la gloire des amis de Dieu, nous vous confions notre Église diocésaine : intercédez en notre faveur, pour que nous devenions davantage, quel que soit notre âge, ces disciples-missionnaires du Christ, artisans ensembles d’une vraie transformation pastorale, apôtres de la réconciliation et du partage, audacieux dans leur foi et généreux dans leur disponibilité, pour rendre présent en terre de Vaucluse le Royaume des cieux.
Segnour, en aqueste jour, Te lou demandan : agrado nòsti preguiero a l’intercessioun di San Cesar pèr que siguen vertadieramen li disciple-missionari que pousquen servi dignamen l’esperança enracina dins toun amour e qui recampa dins l’unita la famiho dóu Crist.